Cuisiner pour faire vibrer le cœur
Par Amber Boies, âge 17, Borden, Ontario
Gagnante du concours des jeunes journalistes 2022
Catégorie : Santé et bien être
La pandémie a été l’un des pires obstacles que j’ai eu à surmonter dans ma vie, et c’est en cuisinant avec mon père que j’ai trouvé les outils les plus inattendus pour y parvenir.
Il y a deux ans, je n’avais aucune idée des difficultés à venir. J’étais simplement heureuse d’avoir une semaine de relâche prolongée en mars, mais ce sentiment s’est vite estompé. Lorsque j’ai commencé à écouter davantage les nouvelles et à voir des membres de mon entourage contracter la maladie, la pandémie s’est soudainement présentée sous son vrai jour. C’était facile de l’ignorer et de pouvoir s’en distancier quand elle s’est manifestée à l’autre bout du monde. Puis, mon école a fermé ses portes et tout d’un coup, les nouvelles sur la pandémie étaient locales, et non plus internationales.
Mon école est demeurée fermée pour le reste de ma 10e année. Pour couronner le tout, je n’ai pas pu rendre visite à ma famille au Nouveau Brunswick. J’osais quand même espérer des jours meilleurs pour l’année suivante. Malheureusement, j’ai été complètement prise de cours.
Ma 11e année a été ponctuée par autant d’incertitudes, avec l’alternance entre l’enseignement en ligne et en personne.
Le fait que l’école, qui a toujours été une composante stable dans ma vie, tendait vers l’instabilité totale m’a désorientée.
J’ai commencé à désespérer de retrouver un jour une vie presque normale. Je ressentais une profonde solitude. Du jour au lendemain, je ne fréquentais plus mes amis, que je voyais presque tous les jours. Rien n’aurait pu me préparer à cette situation. J’avais l’impression que tout me filait entre les doigts, même les occasions de pouvoir créer de nombreux souvenirs avec mes amis et ma famille.
J’ai toutefois réussi à m’accrocher à un aspect positif, soit le fait que mon père travaillait à la maison. J’ai passé beaucoup de temps avec lui, ce qui m’a aidée à bien m’en tirer finalement.
Comme mon père et moi disposions de plus de temps libres, nous en avons profité pour cuisiner ensemble, activité qui nous a davantage rapproché. Nous choisissions des recettes que nous voulions essayer et allions acheter les ingrédients ensemble. Beignes, muffins anglais, pain et petits pains, pizzas, hamburgers, gâteaux, biscuits... tout y est passé.
Les muffins à la citrouille avec un tourbillon de fromage à la crème étaient ma recette préférée. Ils étaient délicieux, mais j’ai aussi passé un très bon moment à les préparer. Qu’il s’agisse de se lancer de la farine ou de rire des erreurs de l’autre, c’était toujours divertissant.
Quand mon père et moi prévoyions de cuisiner ensemble, j’étais toujours certaine que la journée s’annoncerait bien. Cette activité mutuelle a contribué à apporter du bonheur dans ma vie et a facilité la prise en charge de troubles émotionnels causés par la pandémie. Lorsque je songe aux débuts de la pandémie, j’essaie de me concentrer sur ces moments positifs.
En repensant à tous ces merveilleux souvenirs, le goût des délicieux muffins aux bleuets que nous avons préparés me monte à la bouche. Lorsque la minuterie sonnait, je me précipitais vers la cuisine. J’étais tellement excitée de goûter à un de ces muffins que j’y croquais à pleine dent sachant qu’il était chaud et m’obligeant à remuer le morceau dans ma bouche pour le refroidir. Je n’avais jamais savouré un aussi bon muffin aux bleuets. Le sourire de mon père et le mien, ainsi que notre fierté d’avoir concocté quelque chose d’aussi savoureux, fruit de notre labeur, font partie de mes moments préférés.
Même les souvenirs de nos échecs en cuisine me font sourire. Ma mère était toujours notre cobaye et ses expressions faciales qui la trahissait lorsqu’elle goûtait nos recettes ratées nous faisaient éclater de rire.
Nos recettes se concluaient toujours par une cuisine en désordre, mais le jeu en valait la chandelle.
Cuisiner avec mon père m’a aidé à créer un semblant de routine dans une période de grands bouleversements. Vu la joie que le fait de cuisiner m’apportait, je faisais en sorte de l’intégrer au quotidien. Ainsi, j’ai pu profiter des moments présents plutôt que de me tourner vers un avenir qui ne semblait pas très radieux. J’avais l’impression que chaque fois que la vie revenait à la normale, nous retombions dans un autre confinement.
Au lieu de m’inquiéter constamment du moment ou de la probabilité où la situation allait s’améliorer, j’étais plutôt concentrée à glacer un gâteau dans les règles de l’art ou à casser un œuf. Je savourais un plat délicieux ou vérifiais s’il me manquait un ingrédient.
Même si ces moments de joie étaient minimes par rapport à tous les mauvais, ils s’accumulaient. Les quelques jours par semaine à cuisiner avec mon père tout au long de la pandémie nous ont permis de passer de nombreuses heures à rire et à nous amuser. Ce sont ces moments qui ont contribué à me donner à la fois la force et l’espoir de traverser la pandémie. En cuisinant avec mon père, j’ai réalisé l’importance de s’occuper de soi et de la nécessité de se donner le temps de trouver et de faire ce qu’on aime.
Lors d’une période pénible, on aura toujours l’impression que le négatif l’emporte sur le positif, mais lorsqu’on apprécie les petites choses, on peut faire pencher la balance en faveur du positif. Il est primordial de découvrir les petits plaisirs de la vie. Durant une pandémie, c’est plus difficile, mais ils sont toujours là. Il faut simplement prendre le temps de les trouver.
La vie nous offre de nombreuses occasions de créer et d’apprécier le bonheur. En général, ces occasions sont gratuites ou peu coûteuses. Pour moi, c’était de cuisiner avec mon père, mais pour quelqu’un d’autre, il peut s’agir de lire un bouquin. Dans la vie, le bonheur peut toujours être trouvé ou créé. Il l’emporte sur tout.
En plus de me faire sourire à l’idée de cuisiner avec mon père, je ressens mon cœur se gonfler de joie. Rappelez vous toujours de faire ce qui vous fait vibrer.