La vie avec un vétéran
Gagnant du prix jeune journalistes de 2022
Catégorie : Grandir dans une famille militaire
Les vétérans sont nos héros : ils ont servi notre pays et étaient prêts à faire le sacrifice ultime de leur vie.
Toutefois, leurs familles jouent aussi un rôle important.
Les soldats rentrent souvent chez eux avec des troubles de santé mentale et physique qui ont un effet négatif non seulement sur eux, mais aussi sur leurs proches.
Le fait de grandir avec un parent vétéran a une incidence énorme sur la santé mentale et le bien-être d’un enfant.
Mon père n’a effectué qu’une seule mission au cours de sa carrière dans les Forces armées canadiennes (FAC), en Afghanistan, pendant que ma mère était enceinte de moi. Heureusement, il est revenu à la maison avant ma naissance. Il était camionneur dans l’Armée. En Afghanistan, sa fonction principale consistait à coordonner le transport de carburant autour du camp et à former d’autres soldats au transport de carburant. Il a également livré de l’eau et a parfois fait partie de convois transportant des fournitures comme de l’eau et du carburant vers d’autres régions du pays.
Lorsqu’il a été libéré de l’armée, il était caporal et coordonnait l’entraînement de toute sa compagnie à la Garnison Edmonton. Il conseillait souvent ses supérieurs sur le déroulement de l’entraînement des troupes, une partie essentielle de la chaîne de commandement.
Cinq ans plus tard, il a obtenu sa libération des FAC en raison de blessures subies en Afghanistan, qui le font encore souffrir aujourd’hui.
Après sa libération, alors qu’il était affecté à la Garnison Edmonton, nous avons déménagé au Nouveau Brunswick, où mes deux parents ont grandi et qui est maintenant notre chez nous.
Le déménagement s’est avéré difficile. Je ne connaissais personne dans notre nouvelle ville. Même si j’étais jeune, je me souviens encore avoir quitté de bons amis et avoir dû me renouveler dans une nouvelle ville.
Ici, les gens ne comprennent pas vraiment mes difficultés. Lorsque nous vivions sur la base, les familles militaires traversaient les mêmes épreuves : les départs en mission, la période des affectations et les troubles de santé mentale de nos parents.
Nous nous comprenions. Ici, mon frère, ma sœur et moi sommes parmi les seuls enfants que je connais à vivre cette transition de la vie militaire à la vie civile.
J’ai parlé à ma mère des répercussions de la vie aux côtés d’un vétéran et les points sur lesquels elle revient sans cesse sont la prévisibilité et l’imprévisibilité dans nos vies.
Au réveil le matin, je ne sais pas comment la journée va s’annoncer pour mon père.
S’il passe une bonne journée, il sortira peut-être se promener ou manger au restaurant. Toutefois, si c’est une mauvaise journée pour lui, il peut devoir rester au lit et nous ne le verrons probablement pas avant le souper.
Je ne sais jamais dans quel état sera mon père une journée donnée.
Comme ma mère l’a souligné, la prévisibilité est nécessaire pour les enfants et l’imprévisibilité peut nuire à leur santé mentale.
Dans mon cas, c’est l’anxiété qui me ronge. L’imprévisibilité est très stressante.
J’essaie de maîtriser ce que je peux : l’ordre dans la maison, mon emploi du temps quotidien et d’autres choses du genre.
Lorsqu’un de ces éléments ne se déroule pas comme prévu ou qu’ un changement survient, ma frustration se manifeste parce que j’ai alors moins de contrôle sur ma vie quotidienne à cause de l’état de mon père.
Lorsque j’ai parlé à ma sœur cadette de l’incidence sur sa santé mentale de la vie aux côtés d’un vétéran, elle mentionne que la santé mentale de notre père pèse sur leur relation.
Elle dit qu’ils ne s’entendent pas toujours sur certains points.
« Il est difficile de ne pas toujours partager les mêmes opinions sur les situations qui ont lieu dans le monde », déclare-t-elle.
Notre père peut facilement s’emporter quand quelqu’un n’est pas de son avis. Il a du mal à communiquer et à exprimer ses idées, ce qui rend la relation avec lui instable.
Des études récentes révèlent que 20 à 30 % des soldats présentent des symptômes de trouble de stress post-traumatique (TSPT) six mois après une mission, mais certains ne commencent à présenter des symptômes que des années plus tard. La vie auprès d’un vétéran s’accompagne souvent de traumatisme.
Selon des études scientifiques, la maladie mentale d’un parent peut entraîner davantage de complications dans la vie d’un enfant, en perturbant leur lien et en nuisant à la santé mentale de l’enfant.
Il a été prouvé que le fait d’avoir un parent souffrant de TSPT peut entraîner un risque accru de troubles comportementaux et d’instabilité émotionnelle chez les enfants.
J’ai demandé à ma sœur ce qui l’aiderait à surmonter ces épreuves. Elle m’a répondu qu’elle aimerait pouvoir en parler à quelqu’un, comme un professionnel en santé mentale, qui comprendrait ce qu’elle vit et qui saurait comment l’aider.
La vie avec un vétéran n’est pas de tout repos. Elle est imprévisible et incertaine. Cependant, les enfants en ressortent plus forts.
« C’est dur, dit ma petite sœur, mais on s’y fait. »
Lorsque la pandémie de COVID-19 a frappé il y a deux ans, nous nous nous en sommes mieux sortis, mon frère, ma sœur et moi, que nos pairs.
Nous avons été à même de mieux nous adapter à la situation parce que nous avons dû faire face au changement toute notre vie.
Par exemple, la plupart des étudiants ont vu leurs notes baisser. De mon côté, lorsque mon école ne donnait des cours en personne qu’un jour sur deux, j’en ai profité pour passer plus de temps sur des projets où j’en avais le plus besoin et moins de temps sur les matières où j’excellais.
J’ai vu mes notes s’améliorer plutôt que de baisser à cause de cette année scolaire difficile.
La vie avec un vétéran n’est pas facile, mais nos soldats font des sacrifices pour protéger notre pays et, en tant que familles, nous devons les soutenir de notre mieux. Malheureusement, c’est souvent au prix de sacrifices de notre part.