Le cycle émotionnel du déploiement
-
ÉTAPE 1 – ANTICIPATION DE LA PERTE
Une à six semaines avant le départ du parent, l’anticipation de la perte commence à se faire ressentir chez l’enfant ou le jeune. Chez les jeunes enfants, l’anticipation de la séparation peut susciter de la confusion, de la surprise, de la culpabilité et parfois de la colère envers le parent qui s’apprête à partir, ou même le parent qui restera auprès de la famille. Ces émotions peuvent aussi se traduire par de l’irritabilité, de la dépendance ou d’autres comportements visant à attirer l’attention. Certains enfants peuvent aussi avoir de la difficulté à dormir, perdre l’appétit ou présenter des symptômes physiques comme des maux de tête et d’estomac.
Pendant cette période, les jeunes enfants, qui ont de la difficulté à comprendre la notion de temps, peuvent être confus face à ce qui se passe. Les enfants plus âgés ont aussi besoin de temps pour s’adapter à la nouvelle situation. Ils peuvent poser des questions comme « Dois-tu vraiment partir? » Certains enfants et autres membres de la famille commencent à prendre une distance émotionnelle en guise de préparation à la période de séparation. Les enfants peuvent mieux surmonter l’étape de l’anticipation de la perte lorsqu’ils sont encouragés à vivre et à exprimer leurs émotions. -
ÉTAPE 2 – DÉTACHEMENT ET ISOLEMENT
La semaine précédant le départ du parent militaire, les membres de la famille peuvent éprouver du détachement et de l’isolement. À l’approche de la date du départ, le parent militaire doit préparer sa mission et il se peut qu’il commence à prendre ses distances des autres membres de la famille. Eux aussi commencent à se distancer de lui et, lorsqu’il est question de la routine quotidienne, agissent parfois comme s’il était déjà parti. Faute de communication, les relations peuvent alors devenir très tendues. Dans certains cas, les disputes deviennent plus fréquentes, puisque chaque personne se forge une carapace pour se protéger de la séparation.
Pour certaines personnes, il s’agit de l’étape du cycle de déploiement la plus difficile. Les adultes peuvent ressentir du désespoir et de l’impatience. Le parent qui reste au foyer est parfois porté à éprouver de la colère et du ressentiment, et le parent militaire, de la culpabilité et de l’inquiétude. Lorsque les enfants perçoivent le stress de leurs parents, il est normal qu’ils réagissent. Par exemple, faire des crises et adopter des comportements régressifs sont des réactions typiques.
Encore une fois, la communication est la clé pour aider les enfants à comprendre que leurs émotions sont des réactions normales dans ce genre de situation difficile.
-
ÉTAPE 3 – DÉSORDRE ÉMOTIONNEL
La famille peut vivre un désordre émotionnel immédiatement après le départ du parent militaire. L’absence du parent peut perturber la dynamique familiale pendant un certain temps. Les autres membres des familles notent la présence de troubles du sommeil et de l’appétit, d’irritabilité accrue et d’un sentiment général d’incertitude et de désorganisation. Certains décrivent cette étape comme étant une période d’agitation.
Dans bien des familles, l’absence d’un parent entraîne des changements du point de vue de la routine, et chacun doit assumer des responsabilités supplémentaires. Il n’est pas rare que les membres des familles se sentent dépassés et qu’ils éprouvent toute une gamme d’émotions. Les enfants et les jeunes peuvent ressentir de la tristesse, de l’abandon, de l’anxiété, de la confusion et même une baisse de l’estime de soi. Parfois, lorsque les enfants tentent de s’accoutumer à une situation, ils peuvent devenir irritables et avoir de la difficulté à se concentrer. Quoique normales, ces réactions se dissipent avec le temps.
À l’étape du désordre émotionnel, respecter le plus possible la routine habituelle peut être grandement bénéfique. Même si ce n’est pas toujours possible, s’appuyer sur les liens d’amitié et les activités parascolaires afin de créer un environnement familier peut être rassurant pour les enfants et les jeunes. On peut aussi encourager les enfants et les jeunes à exprimer leurs émotions et à rester en contact avec le parent absent par l’échange de lettres, de cartes et de photos. -
ÉTAPE 4 – RÉTABLISSEMENT ET STABILISATION
À un certain moment pendant un déploiement de longue durée, les familles commencent à s’adapter à leurs nouveaux rôles et responsabilités, et parviennent à prendre les choses en main pendant que le militaire est à l’extérieur. Même si les membres de la famille du militaire en déploiement continuent de s’ennuyer et de s’inquiéter, ils commencent à prendre le dessus et à s’adapter à la situation. À ce stade, la famille aborde une étape qui se caractérise par un rétablissement et une stabilisation.
Il s’agit d’une étape où la situation appelle des réactions qui peuvent être à la fois positives et difficiles. Certains enfants commencent à apprécier leurs nouvelles responsabilités et acquièrent un sentiment d’indépendance, puisqu’ils sont soulagés de voir que la famille se débrouille bien avec la situation. D’autres ont plus de difficultés à s’adapter aux changements.
Les adultes de confiance dans l’entourage de l’enfant ou du jeune peuvent s’attendre à ce qu’il délaisse un peu ses activités normales comme ses devoirs ou les entraînements. Il faut alors faire preuve d’écoute et se montrer ouvert à la discussion. De temps en temps, les enfants ou du jeune s’emportent vivement, mais ils devraient toujours être encouragés à exprimer leurs émotions de façon appropriée, en employant des stratégies saines. -
ÉTAPE 5 – ANTICIPATION DU RETOUR
Quelques semaines avant la fin du déploiement, un mélange d’appréhension et d’enthousiasme anime les enfants. Cette période correspond à l’anticipation du retour. La famille peut sentir un regain d’énergie alors qu’elle commence les préparatifs pour le retour du parent envoyé en mission. Il n’est pas rare qu’elle se sente dépassée par toutes les choses qui doivent être faites avant le retour du militaire. Encore une fois, il peut s’agir d’une période d’émotions partagées. Les enfants peuvent se sentir soulagés à l’idée que leur parent revienne enfin à la maison, mais aussi se soucier de savoir si l’atmosphère sera comme avant et si le fait d’être réunis sera à la hauteur de leurs attentes. Si le parent militaire est revenu pour visiter sa famille en cours de déploiement, cette expérience, qu’elle ait été positive ou négative, peut influencer les réactions de la famille par rapport à son retour.
Pendant cette période d’appréhension et d’émotions partagées, il est possible d’appuyer les enfants et les jeunes :- Discutez avec eux de ce qui se passe au sein de la famille et en écoutant attentivement ce qu’ils ont à dire à propos du retour de leur parent;
- Rappelez-leur que leurs émotions sont normales et qu’elles constituent des réactions naturelles aux grands changements, et que les retrouvailles ne sont jamais parfaites. Puisque le parent qui est parti en mission et les membres de la famille restés à la maison auront changé pendant la séparation, il faudra un certain temps pour que chacun s’adapte à ces changements;
- Encouragez-les à être positifs en les invitant à réfléchir aux attentes qu’ils peuvent avoir à l’égard des retrouvailles. Déterminez lesquelles sont réalistes et lesquelles le sont moins.
-
ÉTAPE 6 – RENÉGOCIATION DES RELATIONS
Il est tout aussi difficile de s’adapter au retour d’un parent que de s’habituer à une nouvelle routine quand survient un déploiement. Les familles s’accoutument à leurs nouvelles tâches quotidiennes et hésitent à déroger de leur nouvel horaire. Le sentiment d’excitation ressenti initialement lors des retrouvailles se dissipe dans les jours et les semaines qui suivent, car il s’agit d’une période d’adaptation pour tous les membres de la famille qui doivent mettre à nouveau de l’ordre dans les rôles, les responsabilités et les relations de chacun. Cette étape se révèlent très stressante pour la plupart des familles. Le parent qui avait pris en charge le foyer pendant l’absence du conjoint est devenu plus autonome. Les règles au foyer peuvent avoir changé. Les parents qui se sont absentés doivent rétablir leur rôle au sein de la nouvelle structure familiale et la famille commence à s’apercevoir que le déploiement a provoqué un changement pour chacun. Les membres de la famille doivent unir leurs efforts pour s’adapter à la nouvelle réalité.
Il faudra en effet un certain temps (normalement de quatre à six semaines) pour que la famille retrouve un sentiment de proximité. Puisque les tentatives de renforcer les liens peuvent être difficiles à vivre, les enfants auront besoin de temps et d’espace pour s’adapter. Il peut être bon de rappeler aux enfants que s’apprivoiser de nouveau ne se fait pas du jour au lendemain, mais graduellement, et qu’il est normal de rencontrer des obstacles. On ne peut forcer les relations, et certaines nécessitent qu’on leur accorde un peu plus de temps. -
ÉTAPE 7 – RÉINTÉGRATION ET STABILISATION
À mesure que la routine se réinstalle, les membres de la famille sont de plus en plus détendus et sont prêts à franchir l’étape finale de la réintégration et de la stabilisation. Cette dernière étape du cycle du déploiement survient habituellement dans les deux à six mois qui suivent le retour du parent militaire. La famille retrouve un semblant de < normalité > pour ce qui est de la routine et des attentes de chacun. Un sentiment de sécurité s’installe et, détendus, les membres de la famille sont de nouveau à l’aise les uns avec les autres. Les enfants deviennent plus confiants par rapport aux relations familiales et retrouvent un sentiment de proximité avec le parent qui s’est absenté.
Toutefois, même si les membres de la famille parviennent à rétablir les liens qui les unissaient, certains sentiments peuvent demeurer partagés, et il est possible que des problèmes surviennent. Il faut demeurer à l’affût, car certains enfants et jeunes peuvent avoir de la difficulté à s’adapter à la nouvelle réalité et nécessiter un soutien supplémentaire. Il faut encourager les familles à aller chercher de l’aide supplémentaire auprès des enseignants, de la Ligne d’information pour les familles, des fournisseurs de services de garde, du personnel du CRFM local et d’autres adultes d’importance dans l’entourage de leur enfant.